Que deviennent les salariés en cas de faillite de l’entreprise ?

Que deviennent les salariés en cas de faillite de l'entreprise

C’est la nouvelle que personne ne veut entendre à la machine à café. Une rumeur d’abord, puis une annonce officielle : les comptes sont dans le rouge, la direction ne peut plus payer les factures. C’est le choc. Soudain, une avalanche de questions nous tombe dessus. Vais-je être payé ce mois-ci ? Dois-je revenir travailler lundi ? Est-ce la fin de ma carrière ici ?

Rassurez-vous, respirons un grand coup ensemble. En France, le droit du travail a prévu des « parachutes » pour amortir cette chute brutale. Même si la situation est stressante, vous n’êtes pas laissés à l’abandon.

Dans cet article, nous allons décrypter ensemble ce qui se passe réellement lors d’une faillite de l’entreprise, quelles sont les étapes clés pour vous, les salariés, et surtout, comment vos droits et vos salaires sont protégés.

Dépôt de bilan, redressement ou liquidation : comprendre les nuances

Avant de paniquer, il est crucial de comprendre dans quelle situation précise se trouve votre employeur. On utilise souvent le terme générique de « faillite », mais juridiquement, tout commence généralement par une cessation des paiements. C’est le moment où l’entreprise ne peut plus régler ses dettes avec l’argent qu’elle a en caisse.

À partir de là, le tribunal de commerce tranche entre deux scénarios majeurs, et cela change tout pour votre avenir immédiat.

1. Le redressement judiciaire : l’espoir demeure

Si le juge estime que l’activité peut être sauvée, il prononce un redressement judiciaire.
Ici, l’histoire ne s’arrête pas. L’activité continue, souvent sous la surveillance d’un administrateur. Pour vous, cela signifie que vous continuez à travailler et que vos salaires doivent être versés. L’objectif est de trouver une solution pour apurer les dettes et repartir. Des licenciements peuvent survenir, mais ils ne sont pas systématiques ni totaux.

2. La liquidation judiciaire : la fermeture définitive

C’est le scénario le plus redouté. Si la situation est jugée irrémédiable, le tribunal prononce la liquidation judiciaire.
Dans ce cas, l’entreprise cesse son activité (sauf autorisation exceptionnelle de poursuite temporaire). Le patron perd la main sur la gestion au profit d’un liquidateur nommé par la justice. C’est avec ce liquidateur que nous allons devoir dialoguer pour la suite des événements, notamment pour la rupture de votre contrat de travail.

La grande angoisse : qui va payer mon salaire ?

C’est souvent la première question qui nous brûle les lèvres : « Si les caisses sont vides, comment vais-je payer mon loyer ? » C’est une inquiétude légitime.

Heureusement, il existe un mécanisme de solidarité très puissant en France : le Régime de Garantie des Salaires, plus connu sous l’acronyme AGS.

Considérez l’AGS comme une assurance tous risques pour vos rémunérations. Dès que la faillite de l’entreprise est actée par le tribunal, si l’employeur ne peut pas payer, c’est l’AGS qui prend le relais.

Que couvre exactement l’AGS ?

Ce fonds avance les sommes dues aux salariés, dans certaines limites (plafonds assez élevés toutefois). Cela inclut :

  • Les salaires impayés avant le jugement.

  • Les indemnités de congés payés.

  • Les indemnités de préavis.

  • Les indemnités de licenciement.

Concrètement, c’est le liquidateur (ou le mandataire) qui fait les comptes et envoie la facture à l’AGS. Vous n’avez pas de démarche directe à faire auprès de l’organisme, mais vous devez veiller à ce que le liquidateur ait bien toutes les informations vous concernant.

La procédure de licenciement : comment ça se passe ?

Si la liquidation judiciaire est prononcée, la rupture des contrats de travail devient inévitable. Mais attention, cela ne se fait pas n’importe comment. Il s’agit d’un licenciement économique encadré par des délais très stricts.

Généralement, le liquidateur doit procéder aux licenciements dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation (ou 21 jours s’il y a un Plan de Sauvegarde de l’Emploi).

Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP)

Lors de l’entretien préalable ou via le courrier de licenciement, on vous proposera (si l’entreprise a moins de 1000 salariés ou est en liquidation/redressement) d’adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP).

C’est un dispositif que nous vous conseillons vivement d’examiner. Pourquoi ?

  1. Indemnisation supérieure : Vous touchez une allocation plus élevée que l’allocation chômage classique (ASP) pendant 12 mois.

  2. Pas de délai de carence : Vous êtes indemnisé immédiatement, sans attendre les fameux différés de France Travail.

  3. Accompagnement renforcé : Vous bénéficiez d’un suivi plus poussé pour retrouver un emploi ou une formation.

Si vous acceptez le CSP, votre contrat est rompu d’un commun accord. Si vous le refusez, vous serez licencié économiquement « classiquement » et suivrez le parcours normal d’indemnisation chômage.

Vos documents de fin de contrat

Une fois la procédure terminée, le liquidateur doit vous remettre les documents indispensables pour faire valoir vos droits :

  • Le certificat de travail.

  • Le reçu pour solde de tout compte.

  • L’attestation France Travail (ex-Pôle Emploi).

Ce dernier document est le « Sésame » pour déclencher vos allocations. Lors d’une faillite de l’entreprise, il arrive que l’émission de ces papiers prenne un peu de retard à cause de la charge de travail du liquidateur. Soyez patients, mais restez vigilants et n’hésitez pas à relancer poliment si les délais s’allongent trop.

Et après ? Vos droits et priorités

Perdre son emploi dans ces conditions est une épreuve, mais ce n’est pas une fatalité. Sachez que vous disposez, pendant un an, d’une priorité de réembauche. Si l’entreprise venait à reprendre une activité ou si sa situation s’améliorait (ce qui est rare en cas de liquidation, mais possible en redressement), vous êtes prioritaire sur les postes compatibles avec votre qualification. Il faut toutefois en faire la demande par écrit.

De plus, gardez à l’esprit que les créances salariales (votre argent) sont considérées comme « super-privilégiées ». Cela signifie que sur ce qui reste d’argent ou d’actifs dans l’entreprise, vous êtes payés avant les fournisseurs, les banques et même l’État.

Conclusion : Restez informés et accompagnés

Traverser la faillite de l’entreprise où l’on travaille est une période de turbulences. On passe par la colère, la peur, puis l’acceptation. L’essentiel est de ne pas rester isolé.

Discutez avec vos représentants du personnel s’il y en a. Ils sont en lien direct avec le liquidateur et le tribunal. Si vous êtes seul, n’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé ou une organisation syndicale pour vérifier que vos droits sont bien respectés, notamment le calcul de vos indemnités.

Rappelez-vous : même si l’entreprise ferme ses portes, vos compétences, elles, vous appartiennent toujours. C’est une fin de chapitre brutale, certes, mais c’est aussi, souvent, le début d’une nouvelle aventure professionnelle que nous vous souhaitons fructueuse.

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